Du terrain aux idées : pourquoi le partage nourrit l’innovation

L’intelligence économique est une démarche qui accompagne aussi bien les entreprises que les institutions publiques : États, régions, villes, villages ou quartiers. À l’image de l’entreprise, un quartier est un espace de relations, où la coordination des acteurs revêt une importance particulière.

Les champs d’action sont variés : emploi, sécurité, recherche, questions sociales, sport, culture, entre autres.

La méthode repose sur plusieurs étapes essentielles : d’abord établir un diagnostic, à partir d’une observation attentive du passé et du présent. Ensuite, définir une stratégie de développement, en s’appuyant sur une réflexion tournée vers l’avenir. Enfin, mettre en œuvre des actions coordonnées pour répondre aux besoins identifiés.

C’est dans cet esprit que je m’intéresse au quartier de Ménimur, à Vannes, dans le Morbihan. Un territoire où se croisent de nombreuses compétences et initiatives d’innovation sociale, qui peuvent nourrir une approche partagée de l’emploi et du développement local.

L'équipe de Ty Colibri à Ménimur à Vannes (56)

Le quartier de Ménimur, à Vannes (Morbihan), créé dans les années 1960 dans le cadre des « Zones à Urbaniser en Priorité » (ZUP), est un exemple inspirant de la manière dont un territoire peut se développer grâce à la solidarité et à l’entraide. La collaboration entre acteurs publics, économiques, associatifs et citoyens est cruciale pour instaurer une dynamique positive. Il est essentiel de comprendre, de connaître et de coordonner les efforts autour de différents axes : géographique, économique, institutionnel et partenarial.  Ce modèle de coopération, flexible et réactif, permet de concilier les aspects économiques et sociaux en favorisant l’initiative et l’innovation.

« En aidant les autres à réussir, nous assurons notre propre succès. »

William FEATHER

Dès sa création, Ménimur a été pensé pour répondre à un besoin urgent de logements dans un contexte d'urbanisation rapide. Le quartier a accueilli une population diverse, provenant des campagnes environnantes et des travailleurs en quête d'un emploi stable à proximité de Vannes. Bien que les débuts aient été marqués par des défis sociaux, la communauté locale a su tisser des liens solides, transformant Ménimur en un lieu où la solidarité s'exprime au quotidien.

Les préoccupations des habitants ne se limitent pas à l'insécurité. Le chômage, les pressions budgétaires face à l'augmentation du coût de la vie, l'appauvrissement de nombreux ménages, ainsi que les difficultés à faire reconnaître ses droits (10 à 13 millions de personnes en difficulté avec ces procédures, selon le colloque "Précarité et pauvreté : l'enjeu de l'accès aux droits.

Obstacles et leviers d'action" organisé en octobre 2023 par le Défenseur des droits) et la dématérialisation des procédures sont autant de défis auxquels ils sont confrontés.

Cependant, des lieux emblématiques comme le centre socio-culturel Henri Matisse jouent un rôle crucial dans la dynamique du quartier. Ce centre propose des activités culturelles, sportives et éducatives, renforçant ainsi le tissu social. Des ateliers de formation professionnelle et des événements culturels y sont organisés, offrant aux habitants des opportunités de développement personnel. Ces initiatives démontrent l'importance de créer des espaces de rencontre et de dialogue pour stimuler l'innovation sociale et le dynamisme économique local. Au cœur de Ménimur, le bar/restaurant associatif Ty Colibri, entièrement rénové, incarne cette dynamique humaine et solidaire.

« Ty Colibri est un modèle économique qui génère des bénéfices afin de développer l’innovation sociale et l’emploi ».

Akim Khounchef président de l’association Ty Colibri

Synergie entre acteurs associatifs

Cette autonomie financière permet à Ty Colibri de rester libre dans ses choix et ses actions. Implanté au cœur du quartier, le café associatif est un lieu de rencontres, d’échanges et de projets, où se croisent habitants de toutes générations, associations et acteurs locaux. En répondant à des besoins concrets — lien social, accès à la culture (concerts intimistes, expositions, lectures), entraide, services de proximité — il ouvre aussi des opportunités d’emploi et de stages pour les étudiants. Ty Colibri favorise ainsi l’émergence de nouvelles formes de coopération, portées en grande partie par les habitants eux-mêmes.

Dès l'entrée, on ressent l'unicité du lieu : le dialogue s'instaure naturellement, les relations sont authentiques, et l'histoire du quartier est omniprésente, illustrée par des visages souriants de tous âges sur les murs de l'établissement.  Cette bienveillance, que l’on peut transposer à l’univers de l’entreprise, contribue à créer un environnement où chacun se sent à sa place, en lien avec les autres. Ce climat facilite les relations et ouvre la voie à plus de créativité. Dans le monde de l’entreprise, cette dynamique peut émerger à condition d’y consacrer du temps informel et de prévoir des espaces adaptés pour favoriser ces échanges.

« Nous sommes les étincelles qui allumons la flamme du lien»

Akim Kounchel président de l’association du Ty Colibri 

Ty Colibri rassemble les habitants autour d'une cuisine simple et accessible, préparée avec des produits locaux, créant des moments de partage et de dialogue intergénérationnel. Le restaurant propose des initiatives solidaires telles que le "café suspendu" et le "frigo solidaire", permettant à chacun de donner ou de recevoir selon ses besoins. Des événements, ateliers et expositions animent le quartier et renforcent les liens sociaux. Par exemple, des ateliers de cuisine collective et des événements intergénérationnels sont régulièrement organisés, favorisant l'inclusion et la cohésion sociale.

Ty Colibri illustre comment un lieu de quartier peut devenir un catalyseur de solidarité et d'humanité, créant des ponts entre les générations, les cultures et les milieux sociaux. Ici, laissez votre portable de côté. Levez les yeux, observez les visages autour de vous et engagez la conversation. Vous découvrirez, peut-être avec étonnement, la richesse des échanges humains.

À l'heure des réseaux sociaux et du tout numérique, où les interactions sont souvent brèves et immédiates, la dynamique d'échange de Ty Colibri peut être très enrichissante dans le monde de l'entreprise. Accueillir chaque personne dans sa complexité et sa singularité permet de soutenir le développement de ses capacités. Cette attitude favorise la co-construction et la recherche de nouveaux terrains d'entente.

Dans ce lieu, chaque interaction peut devenir une porte ouverte vers de nouvelles connexions et des moments de partage authentiques. Trop souvent, le manque d'authenticité fait obstacle à des interactions de qualité. Cultiver des relations authentiques, que ce soit dans le monde associatif ou en entreprise, permet d'atteindre des échanges fondés sur une confiance profonde.

Encourager l'ouverture à l'autre, transmettre son expérience et favoriser le retour d'expérience transforme les relations de manière significative. À Ty Colibri, écouter activement, explorer les idées des autres avec respect et gratitude deviennent des pratiques naturelles. S’écouter mutuellement, faire preuve d’empathie, accueillir le feedback avec sérénité et communiquer avec clarté ouvrent la voie à des interactions véritablement gagnant-gagnant. Ces principes, appliqués au quotidien, sont le ciment de relations solides et fructueuses, tant dans l'univers associatif que dans le monde de l'entreprise.

« Je ne crois pas aux circonstances. Les personnes qui réussissent en ce monde sont celles qui recherchent activement les circonstances qu’elles désirent ou qui, si elles ne les trouvent pas, en créent qui leur sont propices. »

Georges Bernard SHAW

Engagement autour du sport

À Ménimur, le sport, qu’il soit pratiqué en club ou de manière informelle, fait partie du quotidien et de l’art de vivre du quartier, renforçant les liens entre habitants de tous âges, que ce soit à travers un footing partagé, une rencontre sur un terrain ou simplement en croisant un jeune se rendant à l'entraînement.

Pour les jeunes de Ménimur, le sport se révèle être un outil précieux d'apprentissage et d'insertion. Des structures comme l'AS Ménimur et le Rugby Club de Vannes (RCV) s'engagent dans des projets ciblés. Par exemple, l'opération "Fête le Mur", portée par le Vannes Ménimur Tennis Club (VMTC), propose des cours de tennis à des tarifs accessibles pour les jeunes des quartiers prioritaires, en partenariat avec la ville et d'autres institutions. De même, le RCV organise des sessions de rugby pour les filles de 7 à 10 ans, alliant découverte sportive et intégration sociale.

Les activités sportives vont au-delà de l'exercice physique. Elles transmettent des valeurs essentielles telles que la coopération, le respect des règles et la confiance en soi, cruciales pour les adolescents confrontés à des défis sociaux ou scolaires. Le Centre Socioculturel Henri Matisse renforce cette dynamique avec son espace jeunesse, où des animateurs accompagnent les 14-25 ans dans divers projets, comme la boxe éducative et des sorties sportives. Ces expériences sont indispensables pour canaliser l'énergie, structurer les parcours et prévenir le décrochage.

En matière d'emploi, le sport ouvre des perspectives concrètes. La Mission Locale du Pays de Vannes, à travers son projet « Synergie », accompagne les jeunes de Ménimur vers l'insertion professionnelle, parfois en lien avec des métiers du sport tels que l'animation et l'encadrement.

Pour les habitants plus âgés du quartier, le sport est un levier de bien-être et de lien social. Le VMTC (Vannes Ménimur tennis Club), par exemple, collabore avec l'Établissement Public de Santé Mentale (EPSM) du Morbihan pour accueillir des adultes suivis en hôpital de jour lors de séances de tennis. Ces initiatives illustrent la transmission de savoir, où les aînés partagent leur expérience avec d'autres générations ou pairs.

Enfin, le sport renforce la solidarité et la cohésion. Les événements comme "Noël à Ménimur" ou "L’Automne solidaire", organisés par le Centre Socioculturel, intègrent des activités physiques intergénérationnelles. Ces moments, ouverts à tous, créent des ponts entre les âges et les origines, dans un quartier où le lien social peut parfois être fragilisé. L'association « Unis-Cité », implantée à Ménimur depuis 2021, illustre également cette dynamique : des jeunes en service civique rendent visite à des seniors isolés, parfois pour des activités physiques légères, renouant ainsi des liens intergénérationnels. Je me souviens d'initiatives en Île-de-France, notamment à Aulnay-sous-Bois et Petit-Clamart, où des jeunes, pendant la période du COVID, allaient faire les courses et rendaient visite à des personnes âgées souvent isolées, vivant aux 3ème ou 6ème étage des immeubles. https://aulnaycap.com/2020/03/28/en-seine-saint-denis-les-jeunes-des-cites-aident-les-personnes-agees-pendant-le-confinement/ .

Qu’il s’agisse de projets associatifs, de rencontres dans des lieux emblématiques comme Ty Colibri ou de moments partagés sur les terrains de sport, chaque initiative repose sur une volonté commune : mettre l’humain au cœur de l’action. Les histoires individuelles et collectives montrent que la force d’un quartier réside dans sa capacité à tisser des liens et à s’adapter aux besoins de ses habitants. En favorisant des espaces de dialogue, d’entraide et de développement personnel, le quartier transforme les défis en opportunités, prouvant que solidarité et dynamisme vont de pair.

Les différents acteurs sur le terrain démontrent chaque jour qu’un territoire peut devenir inspirant lorsque l’humain est au cœur de son développement. Des associations comme NOV’ITA, à l’origine de l’initiative TZCLD (« territoire zéro chômeur de longue durée »), et ACSOMUR (www.acsomur.fr ), qui propose des contrats à durée indéterminée autour des besoins locaux, participent activement à la dynamique locale en créant des partenariats et en soutenant des initiatives pour l’emploi et l’inclusion sociale.

Grâce à des structures solidaires, des initiatives sportives et des projets portés par la communauté, Ménimur démontre qu’un quartier peut être bien plus qu’un lieu de vie : il peut être un moteur de solidarité et de renouveau. Des citoyens bénévoles s’investissent quotidiennement, que ce soit en participant à des actions, en animant des ateliers ou en soutenant des projets de solidarité, comme « les cuisiniers solidaires». Leur engagement, bien que discret, est le véritable moteur de la dynamique humaine qui caractérise ce quartier.

« Vous vous ferez plus d’amis en deux mois si vous vous intéressez aux autres qu’en deux ans si vous essayez que les autres s’intéressent à vous. »

  Dale CARNEGIE 

Entreprenariat